samedi 20 septembre 2008

Sur un air de Garbo en flamenco



Ce tableau a une drôle d'histoire. J'avais arraché quelques pages d'un magazine féminin, et de cette collecte était né "Sur un air de Louise Brooks en kimono". Quelques temps après, je m'arrête pour rendre visite à ma précieuse amie Catou Perbost en Ardèche, qui peint de merveilleux tableaux. Nous parlons de peinture, de mon dernier tableau, et la nuit suivante je rêve celui-ci : un visage de femme reprenant une expression de Garbo, sur un fond de ramages rouges et roses. Dans mon rêve le tableau s'appelait "Sur un air de Garbo en flamenco".
Au petit déjeuner, j'en parle à mon amie, et depuis ce tableau me trotte dans la tête. Deux semaines plus tard je replonge dans mes archives et je trouve une photographie du même mannequin qui incarnait Louise Brooks, cette fois en Garbo. Je recompose le tableau de mon rêve, et d'eux-même viennent s'insérer les éléments hispanisants. Le volant de la robe de flamenco, un motif de l'habit de lumière des toréros, la croix de l'Espagne profondément catholique (ça c'est une idée de mon mari)...
Le tableau se construit de lui-même et je n'y participe presque pas. De l'apparition nocturne naît cet ovni coloré, assemblage évident du rêve.
Je ne suis peut-être pas un véritable peintre puisque je n'accouche pas dans la douleur et l'interrogation. L'idée vient, s'impose, le tableau se compose presque sans l'intervention de ma volonté.
C'est comme une transe. C'est aussi pour ça que je me sens si bien avec l'acrylique et que je n'arrive pas à travailler l'huile. Devant la toile je me sens emportée dans un élan qui ne supporte pas l'attente. La notion de temps disparaît. Il faut que j'arrive très vite à la concrétisation de mon imaginaire, même si elle se transforme. Le tableau n'est jamais ce que j'imagine au début, la composition appelle d'elle-même les couleurs, comme une aspiration insatiable qui demande son aboutissement.
Je peux réfléchir pendant des mois à une toile, comme à ce chevalier que l'on m'a commandé il y a un an et que je ne visualise toujours pas. Le jour où le tableau prend forme dans ma tête, il s'impose et je dois le peindre immédiatement, même s'il ne ressemble que de très loin à l'idée de départ. Je suis le pinceau qui ordonne, et le tableau devient autonome, il m'échappe, se met à vivre, réclame ses couleurs, ses formes...
Pour cette toile, contrairement aux autres, le titre s'est imposé avant la forme, et la forme l'a suivi. En fait, peu importe d'où naît le tableau, et quand j'y réfléchis peu importe le résultat.
Je ne suis peut-être pas peintre puisque je ne m'interroge pas. Mais je le suis peut-être quand je m'étonne du résultat, quand il me déçoit parfois, souvent. Pourquoi n'ai-je pas réussi à rendre le modèle que m'offrait mon imaginaire ? Faute de technique, de connaissances, de goût ? En ce qui concerne le goût, mon amour immodéré du kitch me conduit parfois dans des contrées que renie mon sens esthétique. J'ai parfois commis des toiles que je n'accrocherais pas dans mon propre salon. Et quand j'y réfléchis je me dis : "qu'importe ?".
C'est vrai, ma peinture n'est peut-être pas bonne. Difficile de la considérer avec objectivité quand on analyse les grands maîtres depuis quinze ans. Mais est-ce une raison pour m'inhiber et refuser ce que mes petits moyens peuvent m'offrir ?
Non, parce que c'est du plaisir. Et quand je peins, même si sais que je n'égalerai jamais les peintres que j'admire, je m'abandonne. Je perds la notion du temps, je perds mes références et je résonne. L'orthographe peut surprendre mais c'est volontaire. Je ne raisonne plus, je résonne comme une cloche, comme l'écho de ce qui est en moi et que je ne cherche pas à comprendre. Les toiles naissent au gré de mes velléités, elles s'amusent de mes aspirations et vivent leur propre vie. Plaise à Dieu que celà dure longtemps, car c'est comme cela que j'aime peindre.
Vendu